Censure au cinéma : le Conseil d’Etat donne encore une fois raison à une association d’extrême droite

Communiqué de presse
04/06/2015

Communiqué de l’Observatoire de la liberté de création dont est membre la SRF.

Il est toujours malsain de laisser la culture aux mains des intégristes, d’où qu’ils viennent. L'association Promouvoir prétend défendre ce qu’elle entend être des valeurs judéochrétiennes, dans tous les domaines de la vie sociale. Elle milite d'après ses statuts en faveur de sa conception de la « dignité de l'homme, de la femme et de l'enfant » (rappelons que la dignité a été introduite dans le Code du cinéma en 2009, comme motif de censure). Elle se propose de faire obstacle au développement de l'ensemble des pratiques contraires à cette dignité, parmi lesquelles elle range indifféremment « l'inceste, le viol, l'homosexualité, la pornographie ou l'embrigadement par les sectes ».

Elle n’a donc, par ses statuts, aucune compétence en matière de censure d’oeuvres, mais personne ne semble avoir soulevé cet argument devant les juridictions que l’association saisit depuis 1994.

Voilà des années que l'Observatoire de la liberté de création dénonce le durcissement des critères de classification des films. Nouvelle démonstration : le Conseil d'Etat, parce qu’il estime qu’il n’est pas assez sévère, vient d'annuler le visa d'interdiction aux moins de 16 ans du film Saw 3D, suite au recours de Promouvoir qui trouve dans les juridictions administratives une oreille de plus en plus attentive.
Quant au ministère de la Culture, qui tente de sauver ses décisions, sans l'aide de la profession à qui il est bien difficile de défendre les outils qui la battent, peut-être aujourd'hui va-t-il percevoir que le système a touché le fond de son absurdité ? Si un film qui « heurte la sensibilité des mineurs » doit être interdit, comme le préconise le Conseil d’Etat, aux moins de 18 ans, partant du fait que tout peut « heurter la sensibilité des mineurs », mais aussi des adultes, le principe, établi depuis plus de vingt ans par la jurisprudence européenne, selon lequel les oeuvres ont précisément le droit de choquer, de heurter, de faire bouger les lignes, d'ébranler les convictions, de provoquer le débat, ce principe vient de voler en éclats, à propos d'un film gore pour adolescents.

La motivation du Conseil d’Etat, hautement subjective, n'est pas tolérable. Outre qu'elle est fondée sur des critères qui ne sont pas prévus par la loi, elle est devenue à ce point imprévisible qu'un film se retrouve, de fait, interdit cinq ans après avoir été diffusé en salles de cinéma.

Que l'industrie du gore soit mise sérieusement en cause par cette décision n'est que l'écume des choses. Ce qui est plus grave dans cette décision, c’est le danger symbolique qu’elle représente pour toute la profession cinématographique. Il serait temps que celle-ci se lève unanimement et se batte, sinon de plus en plus d’annulations de visa auront lieu, et pas seulement pour les films « étrangers » comme ceux de Lars Von Trier, Larry Clark ou ici Darren Lynn Bousman.

Membres de l’Observatoire :
- la Fédération des salons et fêtes du livre de jeunesse ;
- le Syndicat des artistes plasticiens (Snap – CGT) ;
- l’association des Auteurs-réalisateurs-producteurs (ARP) ;
- le Cipac – Fédération des professionnels de l’art contemporain ;
- la Ligue de l’enseignement ;
- la Ligue des droits de l’Homme (LDH) ;
- l’Association du cinéma indépendant pour sa diffusion (Acid) ;
- la section française de l’Association internationale des critiques d’art (AICA – France) ;
- le Groupe 25 images ;
- le Syndicat français des artistes interprètes (SFA) ;
- la Société des gens de lettre (SGDL) ;
- la Société des réalisateurs de films (SRF) ;
- le Syndicat français de la critique de cinéma (SFCC).

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